Premier Vampire

Début novembre, c’est parfait pour poster un texte un peu sombre non ? Une histoire de vampire par exemple. Ce texte est un élément de Background pour un personnage imaginé pour une série de comics. La même série que pour les cavaliers de l’apocalypse. C’est volontairement très violent avec comme sources d’inspiration Carrion Comfort et American Vampire.

C’est l’histoire d’un jeune homme de 14 ans qui vivait seul avec sa mère dans une grotte.

Elle avait préféré s’éloigner de sa tribu pour le mettre au monde.

Elle avait préféré aussi ne jamais les rejoindre.

Au début, c’est elle qui subvenait à leurs besoins et, avec le temps, c’est lui qui prit le relais. Il était doué à la chasse.

Un jour, près d’un lac, il vit une jeune fille en train de nager. Il l’aima instantanément. Elle le vit, lui sourit et il s’approcha d’elle. Elle ne le repoussa pas, au contraire, elle lui montra comment faire l’amour. Ce fut probablement le meilleur moment de sa vie.

Mais celui-ci fut de courte durée. Alors qu’il savourait encore cet état de bien-être, il vit les autres mâles s’approcher d’eux souriant. Plus ils se rapprochaient plus il eut l’impression d’être enfermé dans un piège. Elle dormait prés de lui. Il la réveilla mais elle ne partageait pas sa peur. Au contraire, elle fit des signes aux autres mâles. Il prit peur et partit l’abandonnant.

Il rentra sans sa grotte et se réfugia dans les bras de sa mère qui l’apaisa. Mais ce calme fut de courte durée.

Ils l’avaient suivi et entrèrent dans la grotte, plusieurs mâles. Le plus âgé projeta le jeune homme à terre d’un revers de la main.

Il s’assit sur lui et lui tint les cheveux, bloqué, pendant que les autres, les jeunes, perdaient leurs virginités les uns après les autres sur sa mère.

Quand ils eurent fini, le vieux s’approcha de la mère et lui brisa la nuque d’un coup de talon derrière la tête.

Ils le tabassèrent au sol puis partirent et le laissèrent pleurer le cadavre de sa mère.

Il erra pendant des jours et des nuits autour du campement de la fille. Les jeunes lui lançaient des pierres et elle, elle aimait se faire prendre aux yeux de tous.

Une nuit, il vit un troupeau de bisons. Éloigné du troupeau, un vieux bison semblait au ralenti. Il meuglait de temps en temps de façon lancinante et plaintive. Le jeune homme se dit qu’il devait être blessé et qu’il valait mieux l’achever. Il s’approcha de lui discrètement. Le sang coulait légèrement du dos au flanc du bison. Il but quelques gorgées de sang au contact de la bête. Se redressant, il repéra l’auteur de la blessure du bison : une chauve souris était plantée entre les deux omoplates de la bête et se nourrissait.

Le bison tomba sur ses pâtes. La chauve souris se décrocha et reprit son vol. Il la regarda tournoyer et disparaître dans le noir.

C’est à ce moment qu’il la senti se fixer entre ses omoplates. Il n’eut même pas le réflexe de se débattre et tomba à genou puis face contre terre.

Je n’ai pas vraiment mal mais je ne peux plus bouger. Il fait un peu froid.

Il se réveille de jour, affamé. Sa vue est trouble et rouge. Il a des mirages, tout est flou, le soleil est insupportable. Pourtant il ne pleure pas. Ses yeux sont secs. Il s’abrite a l’ombre, cherchant l’obscurité pour attendre la nuit.

La nuit finit par arriver et la faim est encore plus grande. Il sait ou se nourrir, et il en lèche ses canines d’avance. Au campement, le feu est allumé mais tout le monde dort. La sentinelle est assoupie. Elle dort près du vieil homme.

Il le tue en lui brisant la nuque, d’une main, sans aucun effort. Il ne se connaissait pas une telle force mais il apprend à la connaître. Il se place sur elle et lui contraint la bouche fermée de sa main. elle se réveille, gémit, se débat et pleure. Il est bien trop fort pour elle, pour eux tous d’ailleurs. Il pose ses lèvres sur sa nuque et l’embrasse. Elle ne le lâche pas des yeux et semble se calmer un peu. Il plante ses dents dans sa nuque et la boit intensément. Elle se débat un peu mais pas longtemps.

Elle est froide, vide et ne fait plus aucun bruit. Il se relève, son menton et son torse couverts de sang. Il sourit et les contemple endormis. Il se met à rire.

Ils se réveillent tous et le fixent. La pluie se met à tomber. Il disparaît entre deux éclairs.

Ma tablette sur les genoux, je suis en train de taper ces quelques souvenirs sur un blog d’adolescent en prétendant que je suis passionné d’écriture. Tout ça dans la cabine d’un camion de transport bloqué dans un bouchon d’autoroute. Il pleut. J’ai faim. Le chauffeur est bientôt mort.

C’est fou le nombre d’humains que l’on peut hypnotiser, voir galvaniser avec quelques mots bien trouvés. Vive internet, c’est probablement la plus belle invention humaine. Certains critiques me prennent pour un prodige des romans du genre. Je ne fais que raconter ma vie. Et c’est finalement la meilleure couverture pour moi.

Bon je tape les remerciements et je me casse. Marre de l’autoroute, la ville est pas loin. A pied j’y serai avant le lever du soleil.

Vous êtes de plus en plus nombreux à me lire tous les jours. Ça fait vraiment plaisir. N’oubliez pas, si vous avez aimé le tome 1 des aventures vampiriques d’un jeune adolescent à travers les âges, un kickstarter est ouvert pour financer le tournage d’un épisode pilote pour une adaptation TV.

Graffitis du Verdanson

Une balade sur les quais du Verdanson une après midi et quelques photos des Graffitis de Montpellier. Pour cette balade prévoir des baskets et une lampe torche. Et évitez d’y aller quand il pleut aussi … Le démarrage est vers les Aubes et ça termine vers Philippidès. Il y a quelques très bons graffitis, et pour ceux qui connaissent, du Jonnystyle, du Hazo, du Loko …

Bob l’éponge au Verdanson

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De la lampe

De La Lampe est l’un des scénarios d’une série sur un personnage éternellement amoureux. Son principal défaut, c’est son titre qui dévoile trop de l’histoire. Vu que c’est pensé pour un court métrage, je pense que la solution serait de ne pas afficher le titre avant le générique de fin…

Plan séquence

Dans une caisse en bois, on suit l’arrivée de la lampe jusqu’à ce qu’elle soit posée sur l’étagère dans la brocante.

Int Jour Dans une brocante

PIERRE attrape la lampe sur l’étagère et la frotte pour enlever la poussière. JENNY en tenue décontractée genre néo-babs, vêtements larges, sarouel, piercing aux oreilles et babouches s’approche de lui. Il ne la voit pas venir.

Jenny : bonjour, que puis-je faire pour vous ?

Pierre : Heu rien. Je ne fais que regarder. En fait, cette lampe me plaît bien. Elle est à combien ?

Jenny : Elle n’est pas à vendre.

Pierre : Dommage. Elle aurait été parfaite…

Jenny : Prenez-la. Elle est à vous.

Pierre : Vous êtes sérieuse ?

Jenny : Bien sur. Prenez-la, elle est à vous.

Pierre : Merci.

PIERRE passe devant le vendeur absorbé par ses comptes et sort du magasin.

Jenny : Au revoir.

Pierre : Au revoir.

Int Jour Dans un tram

Assis, PIERRE regarde la lampe de prés et la frotte. JENNY passe à côté de lui, cette fois habillée en petit tailleur à la mode et portant de nombreux sacs de magasins de fringues.

Jenny : excusez moi.

Elle s’assoie sur la place en face de lui. Bouche bée, PIERRE ne la lâche pas du regard.

Jenny : Il n’y a pas d’inscription vous savez. Vous aurez beau la frotter vous ne trouverez rien.

Pierre : Je ne vous avais pas reconnu.

Jenny : Oui je me suis mis au goût du jour.

Pierre en montrant les sacs d’un mouvement de tête : Vous vous êtes fait plaisir.

Jenny : Pardon ?

Pierre : Je veux dire, tout ces achats, ça a dû vous coûter cher.

Jenny : Ah ça! non c’est rien.

Pierre : Ah… il tourne la tête vers la fenêtre du tramway, puis revient vers elle Et sinon, ça vous dirait d’aller boire un verre ?

Jenny : Volontiers. Chez vous ?

Pierre : Heu… Ok… Vous vous appelez comment au fait ?

Jenny : Génie.

Pierre : Jenny comme Jennifer ?

Jenny : non non, Jenny comme Génie.

Int jour Appartement de Pierre – salon

Ils boivent un verre à ballon face à face. Il l’observe, elle pose son verre. Le fait tourner du bout de ses doigts, lève la tête vers lui et lui sourit.

Jenny : Alors dites-moi, de quoi auriez-vous envie ?

Pierre : Pardon ?

Jenny en souriant : Que puis-je faire pour vous satisfaire ?

Pierre : Heu … et bien … je sais pas moi … pour commencer, on se tutoie. Et ensuite, heu, faire l’amour avec vous ?

Int jour Appartement de Pierre – chambre

PIERRE tombe la tête en arrière, allongé sur le lit. JENNY se place sur lui et l’embrasse. Ils font l’amour éclairés pas la lampe.

Int jour Appartement de Pierre – bord de fenêtre

JENNY sort du lit et va sur le rebord de fenêtre accoudée au balcon. PIERRE arrive prés d’elle.

Pierre : La vue n’est pas terrible.

Jenny : Tu souhaiterais une vue sur la mer ?

Pierre : Ah ben oui tiens. Une belle vue sur la mer, ça serait parfait.

La vue donne maintenant sur la mer.

Jenny : Souhait exaucé.

PIERRE reste bouche-bée. JENNY, portant son tailleur et ses sacs à la main, pose un doigt sur la lampe et disparaît avec la lampe.

Après midi photo à Montpellier

Jeudi 15 août dernier avec Cédric Dubray Dux d’imagiLAB nous avons fait une petite après midi photos à Montpellier. L’idée de base c’était de se poser à quelques terrasses de bar et prendre des photos « urbaines ». J’adore le mélange dans Montpellier du street art et de l’architecture médiévale du vieux Montpellier.

Le parcours de notre après midi :

  1. St Roch
  2. Candole
  3. Quartier de l’université
  4. St Pierre
  5. Jardin des plantes
  6. Beaux Arts

Et pour ma part, j’ai fini à St Guilhem le désert. Soirée concert de reggae gratuit m’avait-on dit… Mais bon sang, c’était pas juste un groupe de reggae. C’était Mauresca Fracas Dub !!!! Le Rap-Reggae Occitan de mes 15 ans.

Eglise St Pierre Montpellier

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les balades de nato – tome 1 – le départ

Nato est un lutin, un personnage que j’ai créé en 2000. J’ai écrit la première version de ce conte vers mes 15 ans et je l’ai pas mal repris depuis. C’est un personnage qui a pas mal évolué avec les années. J’ai plus d’une dizaine de pitchs pour la suite de ses aventures et un autre tome déjà bien avancé. L’idée serait de faire une série de contes pour adolescents et adultes. J’aimerai les faire illustrer.

Toutes ressemblances avec des êtres ou des faits réels ne seraient que pure coïncidence. L’auteur décline toute responsabilité en cas de querelle entre fées et lutins à la suite de la lecture du présent conte.

Le départ

C’est l’histoire d’un lutin ordinaire, Nato.

Comme tous les lutins, Nato a toutes les cartes en main pour être un heureux lutin. D’ailleurs, il n’existe pas de malheureux lutins, car les lutins n’ont pas besoin de grand-chose et se contentent de peu. L’hydromel leur fait tourner la tête et les pétales de coquelicots les font dormir. Et le lutin aime dormir. Il se lève pour dire bonsoir au soleil qu’il salue d’un verre d’hydromel. Il est social, et l’hydromel, il le partage. C’est un véritable rituel. Le temps que le soleil disparaisse, les lutins se regroupent petit à petit au centre du village. A chaque nouvel arrivant, tout le monde boit un verre. Tant et si bien que lorsque le soleil disparaît, le premier lutin a bu autant de verres qu’il y a de lutins. Et justement, ce soir là, le soleil était couché et le premier lutin estimait que sa gorge était encore un peu sèche. Il manquait un lutin. Ils remplirent leurs verres et se mirent à attendre.

Nato s’était levé tôt aujourd’hui. Beaucoup trop tôt pour un lutin. Il avait été réveillé par un froissement d’ailes, suivit de gémissements qui l’avaient conduit jusqu’à une fée engluée dans une toile d’araignée. Il était resté à l’observer, bouche bée alors qu’elle se débattait. Comme tous les lutins face à une fée, il eut envie d’elle. Mais là, à la voir affolée, engluée, emmêlée, il hésita. Il aurait pu la sortir de la toile et en profiter. Il aurait pu faire en sorte qu’elle y laisse ses ailes. Mais non, il l’avait délicatement dégagée et sans une aile froissée. A son tour, c’est elle qui hésita. Pour une fée, rencontrer un gentil lutin ce n’était pas commun. Puis elle s’approcha de lui et le remercia d’un baiser non volé avant de s’envoler. Nato s’assit et la regarda s’éloigner, puis il observa le soleil bien haut dans le ciel. Et, n’ayant pas d’hydromel, se roula un pétale de coquelicot.

Les relations entre fées et lutins peuvent être résumées ainsi : Les lutins rêvent de fées, mais les fées les snobent eux qui sont fixés au sol. Elles peuvent voler et ne se laissent pas facilement attraper. Elles aimeraient bien s’acoquiner mais les lutins en règle générale les mutilent, abîment leurs ailes et les condamnent à une vie terrestre.

A l’heure où tous les lutins l’attendaient verre à la main, les yeux fixés sur cette gorgée d’hydromel qui tardait à venir, Nato dormait au milieu des coquelicots et des abeilles. Ca ne s’était jamais vu, un lutin absent à l’heure des premiers verres. Mais les lutins ne sont pas de nature à s’inquiéter. Surtout pas à l’heure de la fête. Ils finirent par boire leurs verres et partirent s’amuser.

Dans les bars ou en boîte, ils s’y rendent tous les soirs. On y boit l’hydromel en quantité. On peut fumer le coquelicot et surtout, surtout, on est servi par des fées amochées, aux ailes arrachées, froissées, rongées, rognées, ligotées, pliées, brûlées, perforées, déchirées. La barbarie des lutins n’a plus de limite quand il s’agit de clouer une fée au sol. Une fois abandonnée par son tortionnaire, une fée n’a plus beaucoup d’espoir. Elle ne sait pas vivre les pieds sur terre, elle qui a toujours eu la tête dans les nuages. Et si elle arrive jusqu’à un village, elle n’aura pas d’autre choix que de faire serveuse. C’est tout ce que les lutins laissent faire à une fée torturée.

Quand arrive la fin de la soirée, les lutins fument leurs derniers pétales et font fumer les pauvres fées. C’est à celui qui ramènera le plus de fées chez lui. Les lutins de nature si gentils entre eux, en viennent parfois même à se battre. L’hydromel y est peut être pour quelque chose… A ce jeu là, Nato n’est pas fort, disons même qu’il n’est pas très motivé. Et quand il se réveille ce jour-là, le fait d’avoir raté la fête la veille ne le touche même pas. Le coquelicot d’hier devait vraiment être fort, car il lui semble que le soleil monte dans le ciel au lieu de descendre. Il décide alors de rentrer chez lui boire un bon verre d’hydromel. Ca, ça va lui remettre les idées en place. Comme le veut l’habitude, il part se regrouper avec les autres lutins. Il est le premier et les autres mettent longtemps, très longtemps à arriver. Quand ils arrivent enfin, Nato a presque déjà bu plus d’hydromel qu’il n’en faut. Il a la tête qui tourne, mais la coutume obligeant, il continue. Il n’y a pas d’absent ce soir.

Nato est attablé avec Mato, un lutin qui aime bien lui parler et semble l’écouter. En tout cas, il veut essayer de le comprendre et l’aider à s’améliorer. Ce n’est pas courant entre lutins. La plupart du temps on se contente de parler de soi et hydromel aidant, tout le monde finit par rigoler sans trop savoir pourquoi, chacun étant persuadé d’avoir une vie plus passionnante que les autres. Pourtant, ce ne sont que de simples vies de lutins faites d’hydromel, de coquelicots et de fées ravagées. Mais Nato et Mato avaient su développer des sujets de discussions peu courants pour des lutins : Pourquoi l’hydromel rend joyeux ? Pourquoi les coquelicots font dormir ? Pourquoi le soleil descend-il dans le ciel quand les lutins se lèvent ? D’où viennent les lutins, les fées ? Si le pays des fées s’appelle BeauxRêves, comment s’appelle celui des Lutins ? Est-il normal qu’Aato et Bato rapetissent et se courbent? Pourquoi Aato ne sait-il plus marcher sans une canne ? Après Zato, y aura-t-il un autre lutin et comment s’appellera-t-il?

Ce soir là, il était évident que l’on parlerait de la veille. Mato commença ainsi :

_ Alors, qu’est-ce qu’il t’est arrivé hier ? On t’a attendu pour l’hydromel.

_ J’ai rencontré une fée.

Les yeux de Mato pétillent de curiosité.

_ Où ? Comment ? Elle était belle ? Tu as fait quoi de ces ailes ?

_ Pas très loin de chez moi. Oui elle était belle, comme toutes les fées. Elle était prise dans

une toile d’araignée. Alors je l’ai aidé à s’en sortir.

_ Et t’en as bien profité, tu l’as attrapé et…

Mato est surexcité et les gestes accompagnent ses paroles.

_ Non, pas du tout. J’ai bien fait attention de ne pas abîmer ses ailes et je l’ai regardé s’envoler.

_ C’est tout ?!

_ Elle m’a embrassé avant de s’en aller.

_ Quoi !! Et malgré ça tu n’en as pas profité. Nato, ça tourne pas rond sous ton chapeau. Tu sais les fées c’est toutes les mêmes. Avec leurs airs supérieurs à nous narguer du ciel, mais au fond elles aiment toutes ça. Qu’on les tienne par les ailes et qu’on profite d’elles. Parfois même je me demande si ce n’est pas nous qui jouons leur jeu et qui sommes abusés.

_ Tu crois ?

_ Ce n’est que mon avis. Mais bon. Jusqu’ici je m’en sors mieux que toi. Ma collection d’ailes est bien plus fournie. Et puis je ne rentre jamais seul, moi !

_ C’est pas ma faute s’il n’y en a aucune qui s’approche de moi.

_ Mais t’as rien compris. C’est pas à elles de nous approcher. C’est à toi d’aller les chercher. Tu la prends et puis c’est tout. Si tu commences à être gentil et à faire attention à ne pas les blesser, elles vont rire de toi et s’envoler voir ailleurs. Elles rêvent toutes du vrai lutin. Celui qui leur déchirera les ailes. Qui boit son hydromel et les force à fumer le coquelicot. Celui qui ne leur laisse pas le temps de parler et qui les attrape sauvagement en les traitant de libellules, guêpes ou autres insectes volants. Ne jamais laisser parler une fée, ne jamais l’écouter. Tu sais ça quand même.

_ Et pourquoi ? Pourquoi il n’y aurait pas une autre manière de faire ?

_ Parce que c’est comme ça. Que tout le monde le sait et que tout le monde le fait. Si tu laisses parler une fée, elle va t’embrouiller avec ses trucs de fées, ses désirs de grand air, de voyager, d’être libre, de ne pas se laisser aller au quotidien, d’aller voir ailleurs. Un lutin est fait pour le quotidien, la simplicité, le bonheur, pas pour se prendre la tête avec des trucs de fées.

Nato sombre dans un verre d’hydromel.

_ J’ai vu le soleil monter dans le ciel aujourd’hui au lieu de descendre.

_ Et alors.

_ Et alors je me dis que tu as peut-être tort. Tout ne se passe pas forcément comme on le croit.

_ Hum. Peut-être.

Mato semble plus intéressé par la fée serveuse qui vient de passer que par la conversation. Un

instant, il y a un silence. Puis il reprend :

_ En tout cas une fée qui reste avec un lutin alors qu’elle peut voler, ça ne s’est jamais vu.

_ Oui mais ça pourrait peut-être arriver.

_ Houlà, il est temps de fumer le coquelicot je pense. Tu as bu trop d’hydromel toi. Bon, ne bouge pas, ce soir je te ramène une fée. Une avec les ailes bien amochées. Et tu vas me faire le plaisir de la traiter comme il se doit. En bon lutin que tu es.

Nato allumait à peine son pétale de coquelicot que déjà Mato revenait accompagné de deux tremblantes jeunes fées, une sous chaque bras. Nato, voilà ta fée pour ce soir. Il s’écarte et en dévoile une troisième jusqu’alors cachée derrière lui. Elle n’avait manifestement pas volé bien loin après qu’il l’ait sortie de sa toile d’araignée. La pauvre petite fée était tombée dans un piège de lutins peu de temps après et on avait écrasé, compressé, plié ses ailes jusqu’à leur donner l’aspect de deux petites boules de papier mâché. Il était heureux de la revoir mais il fut pris d’une sorte de colère intérieure, pas une de ces colères qui vous fait vous emporter et faire n’importe quoi, non, quelque chose de plus constructif. Une sorte de prise de conscience, une envie de révolte, de faire quelque chose qui ne s’est jamais fait. Il lui fit fumer le coquelicot pour ne pas éveiller les soupçons de Mato et il l’emmena rapidement chez lui prétendant qu’il était pressé de l’abîmer. Mato répondit mais il fut à peine entendu :

_ C’est bien conduis-toi en lutin et prends bien soin d’elle.

Puis il éclata de rire et traîna ses deux fées défoncées en direction de chez lui.

A peine arrivé dans son trou, Nato entreprit de remettre ses ailes en état. Il se mit à genoux derrière elle et délicatement déplia ses ailes. « Quoi, je ne te plais pas ? » pensa-t-elle en premier lieu, puis « Quel lutin étrange, il pourrait profiter de moi mais il préfère s’occuper de mes ailes. Je te préviens, si tu les remets en état, je m’envole ». Après avoir déplié les ailes, Nato évalua les dégâts. Il fallait d’abord les repasser pour leur rendre leur rigidité. Puis recoudre ça et là les morceaux déchirés, reboucher les trous les plus gros et enfin les nettoyer à l’hydromel. Nato eut les doigts brûlés, coupés, piqués, collés et l’hydromel sur chacune de ses plaies le piqua à lui faire serrer les dents.

Le soleil se leva quand il eut fini. La fée pouvait à nouveau battre des ailes. Elle décolla devant lui. Il était à genoux. Une goutte d’eau perla au coin de son œil et lentement se mit à couler le long de sa joue jusqu’à sa bouche. Elle était salée. Les lutins ne connaissaient pas les larmes. Elle s’approcha de lui, reconnaissante. Pris ses mains entre les siennes et déposa un baiser sur chacune de ses blessures, ce qui dura longtemps. Puis elle lui demanda pourquoi. « Je ne veux pas te voir clouée au sol. J’aime te voir libre, te voir voler. Je te veux que si tu me veux mais je ne veux pas que tu sois à moi ». Elle le regarda longuement, elle n’avait jamais entendu ça ni même imaginé qu’il puisse exister un lutin pareil, aussi compliqué. Elle l’embrassa et, pour la première fois, une fée qui n’y était pas contrainte prit plaisir avec un lutin, un lutin qui en profita pour ne pas l’abîmer.

Puis ils retournèrent ou ils s’étaient rencontrés. Elle l’embrassa une dernière fois et s’envola. Il la regarda disparaître et attendit à nouveau que le soleil descende dans le ciel. Il n’avait plus envie ni de boire l’hydromel ni de fumer le coquelicot. Il ne pouvait pas s’imaginer une vie de lutin ordinaire. Il lui fallait voyager, partir, bouger. Il n’avait pas d’ailes mais les sentait pousser. « Tant pis pour les fées. Ce n’est pas ma priorité. Maintenant, je vais voyager et profiter. Qui sait, peut-être que j’en rencontrerai ? Peut-être que j’irai à BeauxRêves ? Mais je ne vais pas les chercher. J’emporte un peu de coquelicot pour ne plus y penser, une gourde d’hydromel pour ne pas me retourner, ne pas regretter. De toute manière, qu’y a-t-il à regretter ? Une amitié peut-être… » Mato reçut régulièrement des lettres contant les aventures de Nato. A chaque fois, sur sa joue perlait une larme. A chaque fois, ses questions changeaient. « Peut-être que si le soleil montait dans le ciel, que si une fée avait bien voulu d’un lutin de son plein gré, alors peut-être que la vie tranquille qu’il vivait jusque là n’était pas si passionnante. Peut-être était-il temps de changer, de passer à autre chose. De chercher le bonheur ailleurs que dans l’excès, l’excès d’hydromel, de coquelicots et de fées… Peut-être qu’il était temps de bouger, d’évoluer.»

Fin du premier tome

Geek

Un autre post sur un court-métrage de l’association imagiLAB. Ca date de 2007.

Geek est mon premier court métrage il me semble… du coup c’est un egotrip un peu dur à regarder avec les années. Le discours est pas très clair, peut-être parce qu’il a été réalisé un peu vite et avec peu de sommeil à l’époque. Je l’ai réalisé en parallèle de ma dernière semaine de stage de Master 2 informatique à l’UM2. Du coup, rédaction de rapport la journée, montage la nuit… à ne pas refaire.

Il n’empêche qu’il y a des trucs qu’avec les années je trouve toujours sympa dans ce court métrage.

La bande son de K-Struc et le passage de la soirée ou il y a un boulot FX de Thomas Npui. Le plan est en slowmo sur Marc Rodriguez l’acteur principal incrusté dans un timelaps sur le reste de l’image ou l’on voit du coup tous les autres protagonistes faire la fête. Ça manquait un peu de monde et de plus de délire quand même … Mais l’effet est maîtrisé et je garde l’idée pour un autre court. Et surtout, le lieu pour le désert… le canyon du diable. Un endroit magnifique que l’on a réutilisé pour AirMyth du coup.

Geek, mon premier court métrage.

Cavaliers de l’apocalypse

Il y a quelques temps, Bastien d’imagiLAB m’a fait lire le good omens de Terry Pratchett. Il y a un passage ou les quatre cavaliers de l’apocalypse se retrouvent dans un bar pour boire une bière. Chaque cavalier est ici incarné par un motard et ils sont entourés dans le bar par une troupe de hells angels. Bastien aimait beaucoup ce passage et il m’a dit qu’il aimerait bien l’adapter pour un court métrage. Du coup, j’ai écrit ce scénario très inspiré à l’époque. J’ai pris quelques libertés mais il fallait quand même que ça respecte l’idée originale. Je vous le livre tel qu’il a été écrit à l’époque bien que je l’ai depuis repris pour l’intégrer dans une histoire plus longue se prêtant plus à une série de comics.

Int jour bar

Un homme en noir avec son casque de moto tire la poignée du flipper pour lancer la boule.

Ext jour Sur la route

Une moto verte est lancée à toute vitesse sur une ligne droite.

Int Jour Bar

Il tape sur le pad de droite puis sur le pad de gauche pour faire rebondir la balle sur les bumpers.

Ext jour sur la route

Une moto rouge zigzag et enchaîne les virages.

Int jour Bar

La balle descend en ligne droite entre les bumpers. Le flipper souligne par trois notes la fin de la partie.

Ext jour devant le Bar

Un chopper métallisé se gare. L’homme qui le conduit pose la béquille, enlève son casque et descend de sa moto. Il est maigre, les cheveux longs et gris et porte une légère barbe de quelques jours.

Int jour Bar

Le joueur de flipper fouille dans ses poches pour en sortir une pièce et se prépare à la mettre dans la fente pour lancer une nouvelle partie.

Biker 1 : Tu devrais jouer sans ton casque, lui décoche un biker bedonnant en veste jean juste avant de descendre une pinte de bière d’une traite.

La remarque fait sourire ses potes. L’homme en noir au flipper, casque sur la tête reste figé un instant avant de finalement pousser la pièce dans la fente. C’est à ce moment que le conducteur du chopper entre dans le bar. Tout le monde s’arrête pour le regarder. Le temps est comme suspendu un instant, une mouche est arrêtée au milieu de son vol et tombe au sol. Puis le flipper fait retentir trois notes marquant le début de la nouvelle partie. Puis les motards plongent tous leur regard dans le fond de leurs verres vides. Le conducteur de chopper s’accoude au comptoir. Le barman installe un verre sous la tireuse et active la manivelle sans lâcher le nouvel arrivant des yeux. La tireuse ne fait couler qu’un petit filet de bière avant de s’arrêter complètement en crachant ses dernières bulles de mousse. Le conducteur de chopper sourit au barman avant de se tourner vers le joueur de flipper. Il s’adresse au groupe de motard toujours fixés sur leurs verres vides.

Conducteur de chopper : Il est là depuis longtemps?

Biker 1 : Il a pas lâché cette foutue machine depuis des heures ouais.

L’homme en noir tire la poignée et lance une nouvelle boule.

Ext jour sur la route

La moto verte rattrape la moto rouge.

Int jour Bar

Le barman amène un nouveau fût sous sa tireuse. Le joueur de flipper envoie valser la boule dans une zone bonus.

Ext jour sur la route

La moto rouge zigzag devant la moto verte.

Int jour bar

Le barman finit de brancher le fût sur la tireuse. Le joueur de flipper donne un coup dans le flipper et frappe d’un coup fort sur le pad de droite, la balle est propulsée par le bumper en ligne droite vers le haut du flipper.

Ext jour sur la route

La moto verte sort de son axe et se place à la même hauteur que la moto rouge, l’empêchant de zigzager. Elle accélère et distance la moto rouge en ligne droite.

Int jour bar

Le barman place un verre sous la tireuse et se prépare à appuyer sur la poignée. Le pilote de la moto verte entre dans le bar casque sous le bras. Ses cheveux sont gras et tirés vers l’arrière. Il a de l’acné et un herpes au dessus de la lèvre.

Pilote Moto Verte : Holla, dit-il avec assurance.

Le barman appuie sur sa poignée sans lâcher le pilote des yeux. Il ne remarque pas que la bière qui coule de sa tireuse est d’une couleur verte plutôt inquiétante et que des éléments en suspensions ajoutent un aspect pourri au breuvage.

Biker 2 : T’as pas intérêt à me servir ça mec. Lui sort un motard accoudé au comptoir qui regarde la bière de prés d’un air dégoûté.

Le pilote de la moto verte s’assoit à côté du pilote de la chopper. Il sort une cigarette de son blouson et l’allume. Il tend son paquet au pilote du chopper.

Pilote Moto verte : ça fait longtemps que t’es là ?

Pilote chopper : je viens d’arriver dit-il en prenant une cigarette.

Le barman repart avec son fût dans les bras. Le bruit de balle perdue du flipper retentit à nouveau. Tout le monde se tourne vers le flipper. Le joueur de flipper est en appui sur le flipper. Il marque une légère pause avant de sortir une nouvelle pièce de sa poche.

Ext jour sur la route

La moto rouge en ligne droite ralentit pour prendre un virage.

Int jour bar

Le joueur glisse la pièce, tire la poignée et lance la boule.

Biker 1 : Je te parie qu’il va perdre en moins d’une minute. Dit l’un des mecs devant sa bière vide.

Biker 2 : Ouais ma tournée qu’il fait tilter la machine.

Ext jour sur la route

La moto enchaîne une grosse série de virages.

Int jour bar

Le joueur enchaîne les bumps et tape sur les pads latéraux.

Ext jour sur la route

La moto rouge attaque puissamment une grande ligne droite et s’approche dangereusement d’un virage à pleine vitesse.

Int jour bar

Le joueur de flipper s’énerve. Il frappe le flipper de tous les côtés, le secoue et finit même par le soulever et le laisser retomber bruyamment. Le flipper tilte et la balle redescend en ligne droite. Le joueur reste impassible droit devant le flipper. Un moment de silence dans le bar. Dehors, on entend une moto déraper et s’arrêter devant le bar.

biker 1 : Tu payes ta tournée !

biker 2 : Meuh … non, j’ai dit ça comme ça.

biker 1 : Tu payes ta tournée ! Tu l’as dit tu le fais !

biker 2 : Oh commences pas à élever la voix hein.

biker 1 : J’élève la voix si je veux et tu payes ta tournée, dit-il en sortant un couteau long comme l’avant bras.

Un autre arrive par derrière et pète une chaise sur le dos du porteur de couteau. Le pied de la chaise vole au dessus de la tête des deux pilotes qui restent impassibles. Le pilote de la moto rouge entre dans le bar, une superbe rousse. La tireuse explose sous la pression et se met à déverser des litres de bière. La baston se fige, les protagonistes sont surpris par l’explosion. Le barman se précipite sous sa tireuse pour stopper l’écoulement. Les bikers, un peu penauds commencent à ranger le bar. La pilote vient s’installer prés des deux autres. Le pilote de la moto verte lui tend une cigarette. Elle pose son casque sur le comptoir, fait non merci de la main, et sort un flingue de sa ceinture qu’elle pose à côté du casque. Le barman fixe l’arme. La pilote lui sourit, sort un cigare de son blouson et reprend le briquet en forme d’arme à feu pour l’allumer. Elle tire une barre et s’appuie sur le comptoir. Le barman sert les trois pilotes.

Pilote moto rouge : Merci. On est au complet ? demande la pilote rouge aux deux autres.

Pilote chopper : Ouais je crois que notre ami a joué sa dernière partie. Il est à sec. Dit le pilote de chopper en souriant.

Le joueur de flipper fouille ses poches, les retourne, vides. Il se retourne et se dirige vers les 3 pilotes. En passant, il bouscule un motard.

biker 1 : Hey, tu tiens pas à la vie toi ? lui sort le motard.

Il reste face à lui sans répondre un instant. Puis soulève la visière de son casque. On voit alors dans l’oeil effrayé du motard une tête de mort qui sourit. Il referme la visière.

Pilote en noir (la Mort) : J’y tiens plus que tu ne crois.

Le motard reste figé avec une expression de peur sur son visage.

biker 2 : Oh Polo qu’est-ce qui t’arrive, t’as vu la vierge ou quoi ? Dit un autre motard en tapant sur l’épaule du motard figé.

Le motard figé, s’effondre face contre terre sous le poids de la tape sur l’épaule, raide mort.

biker 2 : Oh putain Polo. Les gars … Polo !!!! L’ensemble des bikers se rejoignent autour du corps de polo.

Les 3 pilotes regardent la mort, le pilote noir.

Pilote en noir (la Mort) : Bon, on y va ?

Pilote de chopper (la famine) : Tu bois pas ta bière avant ?

Pilote en noir (la Mort) : Allez, à Polo !!! En tendant sa bière vers les motards tous autour du corps de Polo.

Il repose sa bière prés de celles des autres et ils sortent. La bière de la pollution (pilote de la moto verte) présente un fond verdâtre crade, celle de la guerre (pilote de la moto rouge) est rouge sang, le verre de la famine (pilote du chopper) est sèche avec un dépôt de poussière et la mousse de celle de la mort dessine une tête de mort.

Ext jour sur la route

Les quatre cavaliers arpentent la route sur leurs bolides, l’apocalypse les suit tel un orage tuant tout sur son passage.

AirMyth

Un article d’une série sur les réalisations de l’association imagiLAB.

AirMyth est un court métrage réalisé sur le thème du Air Guitar en 2009. A la base pensé pour un concours Canal+ mais finalement réalisé hors délai. Ma référence principale lors de l’écriture du scénario c’est Tenacious D. Et à peu près au moment du tournage est sorti le jeu Brutal Legend auquel une partie du générique de fin fait référence en utilisant le doublage français de Jack Black d’introduction du jeu.

Les rôles principaux sont tenus par Sylvain Piquemal, Camille Tello, Samuel Castagnoni et moi-même (d’ailleurs vous noterez que je ne sais pas tenir une guitare ;) ). Et une voix off de Julien Assemat de la compagnie le Chien au Croisement. Si vous aimez le théâtre allez voir ce que fait le chien au croisement, c’est bon et audacieux.

La musique est de Camille Tello.

J’essaye de pondre une suite à AirMyth. Il me faudra surement un groupe de Rap pour poursuivre l’aventure … Et c’est vraiment un univers que j’aimerai développer dans un jeu vidéo également.

Hésitez pas à liker la page Facebook de AirMyth. Qui sait, le jour ou je fais une suite je l’annoncerai d’abord là-bas.

Vous pouvez retrouver le court-métrage sur Viméo.

AirMyth sur Youtube

Rien ne nous survivra – tribute

Suite à ma lecture de Rien Ne Nous Survivra de Maïa Mazaurette, j’ai eu envie de lui emprunter ses deux personnages : L’immortel et Silence, pour une scène qui aurait pu se passer dans l’histoire de Mazaurette. Je verrai bien cette histoire pour un court métrage test avant de faire un long d’adaptation du livre de Mazaurette. C’est un texte assez court, c’est pas pour tous les âges, plutôt pour des lecteurs de 15 ans et plus.

Silence en off : On aurait pu nous annoncer la fin du monde que ça n’aurait pas changé grand chose.

Silence déambule dans une maison bourgeoise envahie par une orgie de jeunes. Les bustes de marbre sont couverts de maquillages et les Kandinskys au mur sont agrémentés de tags. Le carrelage est défoncé, ça boit, ça fume, ça baise.

Silence en off : Notre génération en avait marre. Marre de ces vieux qui dirigent, qui décident des canons de beauté, des bonne moeurs, des critères de réussite, de ce qui fait un homme ou une femme, une famille, le bonheur … On voulait décider par nous-mêmes. On voulait être jeune et mourir jeune. On ne voulait pas devenir vieux. Ce n’était pas une réponse aux problèmes de faim dans le monde, de surpopulation ou d’écologie. Non, c’était juste notre révolte, celle des jeunes contre les vieux.

L’immortel en off : Silence. Je te hais Silence. Je t’aimerai puis je te tuerai. Tu me dois une histoire d’amour Silence.

L’immortel est allongé, vautré, emmêlé dans un enchevêtrement de corps jeunes et nus. Il est passif. L’ensemble bouge et lui est immobile dans ce tas de corps. Silence passe devant lui mais le regard de l’immortel reste vide.

Silence en off : C’était les 13-25 ans contre les vieux. 13-25. C’est moi qui ai lancé ce mouvement, moi qui ait créé cette démarcation. Mais aujourd’hui je me rends compte que ça ne suffit plus. Il y a des vieux de moins de 25 ans.

Un garçon rigole à gorge déployée près de la piscine. Un garçon bien habillé avec une blonde sous un bras, une bouteille de champagne à la main et une femme de 30 ans nue tenue en laisse. Silence l’observe de la terrasse.

Silence en off : L’organisateur de cette soirée a 24 ans et il aime le pouvoir, la notoriété, le luxe, la reconnaissance… Moi aussi j’aime le pouvoir, mon pouvoir, l’anonymat, la furtivité, l’indépendance et une balle dans la tête. Et c’est un peu de ce pouvoir là que je viens lui faire partager ce soir. Je me dévoue pour lui administrer la balle salvatrice, celle qui lui évitera de passer la date de péremption. Après 25 ans, c’est prouvé, nos neurones ne se régénèrent plus. Après ça, on ne fait qu’entretenir des neurones vieillissantes. Mais parfois, la dégénérescence arrive plus tôt que prévue. Combien de jeunes sont victimes de vieillissement précoce. Rides, cheveux blancs, hémorroïdes, insomnies, crises d’angoisses, stress, AVC … Une balle dans la tête, c’est le seul traitement. Et croyez moi, je suis habilité à le délivrer.

L’immortel en off: Silence tue des jeunes. Même pas par erreur. Il tue des jeunes pour le plaisir, parce qu’ils lui font de l’ombre, parce qu’ils ne respectent pas la même discipline que lui et parce qu’ils brillent trop alors que Silence n’est que ombre. Si un jour je te tiens Silence entre mes mains, je t’embrasserai jusqu’à t’étouffer. Je t’aime et je te hais. Tu es le meilleur sniper. Tu es meilleur que moi. Mais tu as tué Alice.

Silence est au bord de la piscine. Il pose son sac à dos près du bord de l’eau. Il trempe sa main dans la piscine, ouvre son sac puis le bidon d’essence qu’il contient. Le liquide se déverse lentement dans la piscine.

L’immortel s’habille alors que les corps derrière lui continuent de s’ébattre. Il sort sur la terrasse prend une coupe de vin et regarde la piscine. Il remarque le sac. Il voit la balle arriver juste avant l’impact, l’explosion du bidon et la piscine qui flambe avec ses baigneurs. Il remonte la trajectoire de la balle. Silence sur le toit réajuste sa position et tire une seconde balle. L’organisateur de la soirée s’étale alors que tout le monde fixe les baigneurs qui tentent de se sauver, en feu, se roulant dans le gazon. Le temps passe du ralenti à l’accéléré. L’immortel traverse la maison, récupère son dragunov et le charge sur son épaule. Il saute au dessus du portail. Silence au bout de la rue le vise. Sourit et lui tire une balle dans l’épaule. L’immortel encaisse le coup sans bouger. Silence rit puis part en courant. L’immortel se lance à sa poursuite.

Deinos

Deïnos

Cet été à NaturalPad, on a eu une stagiaire de SupInfogame. Célia Gironnet devait écrire une nouvelle sur le désir.

Après quelques échanges de références, on en est venus à co-écrire.

Grosse référence à Gunnm.

Deïnos – un désir inachevé

Deïnos habitait un vieil appartement au cœur de la banlieue du bloc #274.

En sortant de l’appartement, il tient un enfant par la main. L’enfant est blond et ses grands yeux bleus sont le reflet de son désir de découvrir le monde, partir d’ici loin de la décharge.

Deïnos est de taille moyenne, a les cheveux noirs bouclés, une barbe pointue poivre et sel mal taillée et des yeux noirs. Ils descendent les trente étages qui les séparent du sol et prennent un taxi. Sur le chemin, l’enfant compte les voitures de police qu’ils croisent, fonçant à toute vitesse dans le sens opposé. La porte était restée ouverte et un voisin a dû entrer dans l’appartement. La route sera longue. L’enfant découvre les rues du bloc, lui peut se remémorer toute cette histoire.

Le bloc #274 était réputé comme étant la plus grande zone industrielle cybernétique de toute la région. C’est au centre qu’avait lieu toute la production. La banlieue, elle, servait de dépôt pour tous les déchets provenant des usines. Entre les bâtiments d’une cinquantaine d’étages, des zones entières où s’amoncelaient débris mécaniques, électroniques ou humains. Toute sorte de trafics s’organisaient autour de ces zones : les habitants étaient pour la plupart désœuvrés, pauvres et cohabitaient avec la crasse et la vermine. Beaucoup n’avaient pas la chance d’avoir un appartement et dormaient à même la rue. Pour survivre, certains fouillaient ces zones à la recherche de pièces encore utilisables dans l’espoir de pouvoir les revendre au marché noir.

Deïnos vivait seul chez lui. Ses revenus lui permettaient de vivre convenablement, sans excès. Il était mécanicien. La plupart du temps il réparait ce qu’on lui apportait : robot ménager, simulateur de réalité virtuelle, et une kyrielle d’autres objets cybernétiques indispensables, certains même peu avouables. Il allait tous les jours à la décharge récupérer des pièces sur des objets jetés. Ce qu’il aimait surtout, c’était la biomécanique, les cyborgs.

Il aimait le mélange de la chair humaine, chaude et malléable avec la dureté et la froideur du métal. Trifouiller les organes, naturels et artificiels, ça, ça le passionnait. Mais il lui manquait quelque chose ; un objectif, un projet, un accomplissement. Deïnos était en vérité un homme malheureux. Il était introverti, il ne savait pas communiquer et il n’était pas sûr de vouloir le savoir. Il n’avait ni ami, ni famille, ni amour, et il n’avait pas souvenir d’en avoir déjà eu. Pourtant, son désir était de transmettre ce qu’il savait, toutes ces connaissances accumulées, tout ce savoir. Il lui fallait quelqu’un à qui l’enseigner : il voulait un enfant. Pour pouvoir se reproduire, il était prêt à dépasser son handicap social, il allait trouver une femme.

Élever un enfant dans cette banlieue n’était pas chose aisée. Aucune structure ne prenait en charge leur éducation qui revenait intégralement à la charge des parents. Un enfant revenait cher et la plupart finissaient par être refourgués au marché noir pour que leurs organes soient vendus. Souvent, ils finissaient comme esclaves sexuels ou servaient à récupérer du matériel dans les endroits les plus exigus de la décharge. Mais Deïnos avait confiance, s’il avait un enfant, pour rien au monde il ne le vendrait, et il lui apprendrait à survivre dans cet univers cruel.

Des femmes, il y en avait beaucoup dans les rues du bloc #274. Des prostituées, des mendiantes, des miséreuses mais aussi des travailleuses, acharnées, revanchardes, qui survivaient à force de volonté et qui rêvaient de s’en sortir. Des rêveuses, oui, c’est bien le meilleur terme pour les nommer parce que personne ne sort vraiment de la décharge. Quand on habite à la décharge, on est un déchet pour la vie. On a beau essayer d’avoir la classe, bien se saper et avoir des goûts de riche, c’est du fiel qui coule dans nos veines. Deïnos avait conscience de ça. Il était de la décharge, pourri de l’intérieur, et il trouverait à la décharge une femme tout aussi pourrie de l’intérieur.

Pourtant, il n’avait jamais osé aborder l’une d’entre elles. « Démarrer une conversation est probablement ce qu’il y a de plus difficile », cette pensée le rassurait. Une fois qu’il saurait faire le premier pas, le reste viendrait tout seul.

Tous les soirs il se rendait au bar de la décharge, juste en bas de chez lui. C’était un vieil établissement. L’alcool avait des vapeurs d’essence et coûtait un bras. La clientèle comprenait un échantillon de poivrots, voyous, voleurs, et petites frappes qui arpentaient les rues, harcelant mendiants et prostituées. Mais ce bar abritait un trésor. Sibelle, la serveuse, portait fort bien son nom. Elle était considérée comme la plus belle femme non cybernétique de la région. Elle avait des cheveux blonds qu’elle regroupait en chignon. Des mèches folles tombaient devant ses grands yeux bleus rieurs. Elle ne cessait jamais de sourire. Les premières fois il ne la considéra que comme un outil, la femme idéale pour procréer. Et puis, petit à petit, il s’y attacha. Il l’observait naviguer d’un pas léger entre les tables, fasciné par le mouvement de ses hanches. Il se surprit même à devenir jaloux de ceux auxquels elle souriait. Un soir, il s’était décidé, il allait le faire. Il avait mis ses plus beaux habits, avait taillé sa barbe et ses cheveux et apportait un bouquet de fleurs synthétiques de première qualité. Arrivé au bar, il se dirigea directement vers elle et lui tendit les fleurs d’une main hésitante. Elle les accueillit avec un sourire et rougit. Il passa une partie de la soirée accoudé au bar en lui parlant de tout et de rien, il ne pouvait plus s’arrêter. Elle riait à ce qu’il lui disait tout en servant les clients. Quand Il sortit, il avait un sourire éclatant sur le visage. Il avait parlé à une femme.

Malheureusement pour lui, Deïnos était attendu au coin de la rue. Ivres, ils tenaient des planches de bois et des barres de fers ramassées dans la décharge. Apparemment, son bouquet n’était pas du goût de tout le monde. Le chef de la bande était un habitué du bar, il considérait la serveuse comme sienne et voulait couper court au désir ridicule de Deïnos. Et ridicule, Deïnos l’était sûrement, baignant dans son sang après qu’il ait été piétiné. Ses agresseurs avaient particulièrement insisté sur son entrejambe, comme si ils avaient voulu briser tous ses espoirs de reproduction.

La douleur le réveilla. Allongé dans une ruelle derrière le bar, les vêtements gorgés de sang, il ouvrit difficilement les yeux. Sibelle était penchée sur lui. Choqué et honteux, il la repoussa d’un geste brusque, se releva en titubant, fit quelque pas sans se retourner pour s’effondrer à nouveau quelques mètres plus loin dans une autre ruelle. Il se réveilla avec le soleil, du sang séché autour de la bouche. La rue grouillait déjà de monde. Personne ne l’avait remarqué, après tout, ce n’était qu’un déchet de plus. Il se traîna le long des façades d’immeubles, prenant appui à chaque pas, jusqu’à son appartement. Deïnos se coucha et resta allongé un long moment. Ses pensées étaient amères et son corps le lançait en permanence, lui rappelant ce qui s’était passé la veille. Il prit une grande décision ce jour-là, il créerait seul sa descendance.

Il revenait chez lui le sac rempli de pièces rares qu’il avait trouvées dans la décharge. Il savait où chercher. Il les testait et quand une pièce était en bon état il l’intégrait dans l’œuvre de sa vie : sa descendance. Il s’était mis en tête de créer un être à son image, un prolongement de lui-même. Il voulait, à travers cet être, prolonger sa propre existence.

Il y passa toutes ses nuits, allant à la décharge le soir, tard, récupérer des pièces. Etant bio-mécanicien, il n’eut pas de mal à faire la coque, un peu de ferraille, un peu de chair. Des cyber-cerveaux, il en avait déjà monté. Au bout de seulement quelques mois, il put l’activer. En face de lui l’automate ouvrit de grands yeux et examina chaque recoin de la pièce, il ne parlait pas ou s’exprimait seulement par onomatopée. Il observait son créateur pendant que celui-ci continuait son travail. L’activation du robot avait redonné un élan de joie à Deïnos, il se sentait heureux et travaillait sans relâche. Tout en bricolant, il apprenait les rudiments du langage à son chef-d’œuvre. Bientôt, l’armature complète fut terminée et le robot prononçait quelques mots. C’était un esprit d’enfant dans un grand corps. Son rêve s’accomplissait. Ce avec quoi il eut le plus de mal fut la peau et les cheveux. Ils devaient être strictement identiques aux siens. La pigmentation s’avéra difficile, il dut utiliser une greffe de sa propre peau, associée à de la pâte synthétique pour obtenir le résultat qu’il désirait. Après plusieurs essais, l’automate avait enfin son aspect définitif. Il termina son œuvre, rajoutant chaque grain de beauté, chaque cicatrice aux endroits qui convenaient, puis il recula et admira son fils.

La création du robot lui avait pris en tout un peu moins d’un an. Celui-ci lui ressemblait comme deux gouttes d’eau. Pour ce qui était des capacités physiques, Deïnos avait veillé à ne prendre que des composants d’exception. Il avait ainsi créé un robot surpuissant et quasiment indestructible.

Il se mit à tout lui apprendre. L’automate sut lire et écrire au bout de seulement deux mois. Il apprit également les sciences, mais aussi l’art, l’histoire et la politique. Ce que ne savait pas Deïnos, l’automate l’apprenait au travers d’ouvrages téléchargés sur le réseau. L’automate était heureux, au début, il aimait apprendre. Mais Deïnos lui, devait continuer son travail de réparateur pendant la journée et son fils restait dans la partie privée de l’appartement quand les clients arrivaient. Dans un premier temps, les livres et le réseau lui suffirent lorsqu’il était seul. Mais il dévorait ces ouvrages à une vitesse inimaginable pour un humain et il n’eut vite plus rien à lire. Sur le réseau il faisait des rencontres, il discutait et ça lui donnait envie d’avoir un contact, un vrai rapport physique avec la personne et surtout, d’aller à l’extérieur voir le monde. Il se mit à regarder les gens par la fenêtre et écouter les bruits de la rue, les alarmes, les cris, la violence. Sa vue lui permettait de voir avec suffisamment de détails ce qui se passait en bas. Regarder par cette fenêtre et imaginer sa vie dans la rue devint son occupation principale. Il voyait Deïnos aussi, chaque fois qu’il devait sortir chercher une pièce à la décharge il passait dans son champ de vision. Et il repéra vite son comportement étrange, chaque fois qu’il passait devant le bar de la décharge. Il s’arrêtait pendant quelques minutes à distance puis repartait. Le robot tournait en rond dans l’appartement. Au bout de 6 mois, il avait atteint la maturité d’un enfant de douze ans, et il commençait à tenir tête à son père. Il se mit à réclamer le droit de sortir. Il était bien sûr impensable qu’il sorte de jour, ayant exactement le même physique que Deïnos. Celui-ci finit cependant par lui céder le droit de sortir la nuit. Après tout, son fils était solide. Quelques mois passèrent encore et le fils de Deïnos gagnait en maturité et en savoir. Ses sorties nocturnes le confrontèrent à la violence du bloc #274 et il apprit à se battre. Cette violence le comblait. Pendant un temps, elle lui permit de remplir le vide qu’il ressentait : quelque chose qu’il sentait chez son créateur mais que lui n’avait pas. Deïnos continuait d’améliorer son protégé. Il se débrouillait toujours pour trouver des pièces de rechange de meilleure qualité. Les séances d’entretien de son fils étaient, avec les cours qu’il lui prodiguait, ses rares moments de proximité. Dès que possible, son fils fuyait arpenter les rues. Deïnos tentait de discuter avec lui mais se faisait rembarrer sans aucune forme de politesse. Quelque chose clochait. Il ne savait pas quoi et il était incapable de converser avec son fils. Une nuit, alors que celui-ci était sorti, Deïnos fouilla sa chambre. La maison n’était pas grande mais il avait aménagé une partie de son atelier pour en faire une petite zone d’intimité pour son fils avec un matelas ; il n’en avait pas réellement besoin mais Deïnos voulait qu’il ait une vraie chambre ; un vieux bureau et une petite bibliothèque. Il fut ému un instant. Et puis, il vit une malle en métal rouillé qu’il n’avait pas apportée. Plus il s’approchait plus il la sentait. Cette malle dégageait une odeur forte, une odeur de mort. Il l’ouvrit et vit son contenu, horrifié. Une collection de cœurs dont certains commençaient à pourrir. Il referma violemment la malle retenant une nausée. C’est à cet instant qu’entra son fils. Il avait les avant-bras couverts de sang. Deïnos était furieux.

– Qu’est-ce que tu fais quand tu sors ? Tu tues des gens ? C’est ça ? Tu es un assassin ? J’ai créé un assassin ? C’est quoi dans cette malle ?

– Mes trophées.

Deïnos ne s’attendait pas à une réponse. Et celle-ci ne le calmait pas.

-Mais pourquoi ? Pourquoi tu fais ça ?

-Je ne sais pas, je voulais savoir comment c’était un cœur qui bat…

Il s’approche de son père, l’attrape par le cou comme pour l’étrangler et le soulève à bout de bras. Calmement, en le regardant se débattre droit dans les yeux, il lui annonce la simple et dure vérité :

– A quoi tu sers? Tout ce que tu sais je le sais. Tout ce que tu fais je le fais et en mieux. Tu es vieux, diminué, gras et déprimé. Tu ne sais pas vivre. Tu me dégoûtes. Je souffre que tu m’aies mis au monde et qu’il y ait de toi en moi. Je refuse de te ressembler et toute ma vie je me définirai par opposition à ce que tu es. Je ne connais ni le désir ni l’amour mais grâce à toi je connais le dégoût, la haine et la rage.

Il se souvenait de la première fois qu’il l’avait fait. C’était la troisième fois qu’il sortait. La première sortie avait été agréable. Il se sentait libre et se mit à courir dans les ruelles, c’était une nouveauté pour lui d’avoir autant d’espace. La deuxième nuit, il y était allé plus doucement et avait observé ce qui se passait autour de lui. Il avait vu des hommes qui titubaient, des femmes en tenue légère qui tentaient de l’aborder ou certains qui dormaient à même la rue, il était curieux, mais n’avait pas osé les approcher. La troisième nuit, par contre, il avait eu droit à un contact. Dans une ruelle, il avait entendu les plaintes d’une femme et s’était approché. Elle n’était pas seule. Un homme était sur elle et allait et venait entre ses jambes. Il resta là à observer un temps. Mais la femme finit par le voir et, prise de honte, se couvrit. L’homme remonta son pantalon et s’approcha hargneux.

– qui t’es toi ? Qu’est-ce que tu fais là ? Casses-toi.

Et l’homme se mît à le pousser. Sauf qu’on ne déplace pas si facilement un robot. Et là, ce robot venait de voir une chose qu’il ne comprenait pas : l’acte de reproduction. Il remarqua que les veines de l’homme étaient gonflées et battaient au rythme de son cœur. Et cet organe, il l’entendait battre. Et battre de plus en plus fort. Il n’avait même pas remarqué que la femme s’était levée et rhabillée et qu’à son tour, elle le bousculait et lui hurlait dessus. Et il eut envie de faire taire ce cœur. En un mouvement, il arracha le cœur de l’homme. Puis il attrapa la femme par le cou alors qu’elle était épouvantée. Il voulut la ramener près de lui mais lui brisa le cou. Il avait alors un légume, un être inanimé dont seuls les yeux pouvaient encore bouger, exprimant encore tout son effroi. Et le plus beau, c’est que son cœur battait encore. Il prit son temps. Il déchira la chair et écarta les côtes de sa victime pour pouvoir observer l’organe dans son milieu. Le cœur battait sous ses yeux. Les autres organes autour aussi étaient en action mais il ne se concentrait que sur le cœur qu’il regarda ralentir jusqu’à sa mort.

C’est sur ce souvenir qu’il décida de ne pas tuer son père. Il lui brisa la colonne et l’abandonna dans cette condition de légume. Il partit pour le bar de la décharge. Il savait qui était à l’origine du désir de procréation de son père. Il ne lui restait qu’à tuer l’objet de ce désir. Il entra dans le bar de la décharge. Comme toujours, aucune réaction. Ici il n’y a que des déchets. Les rebuts des rebuts de la société. Alors un de plus ou de moins…

Personne ne le remarqua. Il s’avança d’un pas lent jusqu’au centre et regarda autour de lui. Il scanna de ses yeux les gens du bar et fit son choix. Accoudé au comptoir, il y avait ce vieil homme qui fixait son verre. Il s’assit à côté de lui. Le vieil homme se redressa légèrement, saisit son verre et le but d’une traite. Puis, après l’avoir reposé, il se tourna et le fixa de ses yeux humides. Il y avait de la tristesse dans son regard. Un vieil homme en bout de parcours. L’archétype du sage pour qui le temps n’a plus d’importance et qui attend la mort. La mort se tenait devant lui et il l’avait senti. Le robot plaça sa main derrière la tête du vieil homme comme dans un geste de tendresse. Ils se fixèrent et, d’un coup sec, il lui brisa la nuque. Pendant un instant, le corps resta immobile puis le robot enleva sa main et il chut sur le sol avec fracas. A ce moment, la serveuse se mit à hurler et les hommes se levèrent. Une silhouette massive s’avança vers lui :

-J’crois qu’t’as un problème.

Et l’homme décocha un crochet du gauche. Le robot saisit sa main sans effort. L’homme força mais il ne put ni avancer son poing ni s’échapper de sa prise. D’autres approchaient doucement mais n’osaient pas vraiment le toucher. Ils l’encerclaient mais gardaient une certaine distance de sécurité. Le robot plia son poignet et brisa sèchement celui de son adversaire. Il le lâcha et celui-ci s’effondra à genoux en pleurant. L’automate posa alors la main sur son crâne et serra. L’homme hurla jusqu’à ce qu’on entende un énorme craquement. Les autres étaient terrorisés mais n’eurent pas le temps de fuir. Il les chargea avec un grand sourire, dans une furie meurtrière. Il tournoyait au milieu des hommes et des corps. A chaque coup, il perforait un corps de part en part et les cadavres s’amoncelaient sur le sol. Quand sa furie s’estompa, tous étaient morts. Il ne restait plus que la serveuse effrayée, planquée derrière le bar. Sa respiration l’avait trahie. Il plongea sa main derrière le bar, l’empoigna par les cheveux et la souleva. Elle hurlait et se débattait et quand tout espoir l’eut abandonnée, elle se relâcha et se laissa aller à pleurer. C’est là qu’il frappa. Il perfora ses côtes et saisit son cœur. Ses yeux étaient exorbités et sa bouche grande ouverte figée par la douleur. Elle ne pleurait plus. Il ne lui arracha pas le cœur, pas tout de suite. Il le touchait, le sentait battre. Il le caressait même délicatement, détectant chacune de ses irrégularités, appréciant ses faiblesses. Il serra ses doigts et le contraint de plus en plus dans sa main. Il le sentait pousser encore un peu, essayer de faire son travail puis faiblir, abandonner et s’arrêter. Il lâcha la chevelure de la serveuse mais pas le cœur qui s’arracha tout seul sous le poids de la chute du reste du corps. Le cœur à la main, l’automate scruta une dernière fois l’ensemble du bar. C’était beau. Il y avait du sang partout et des corps inanimés. Seules les mouches commençaient à s’agiter. Et puis ce silence. L’automate prenait vraiment son pied. Il avait recherché cet état d’accomplissement, de travail bien fait. Mais en écoutant bien, ce silence cachait une respiration. Une petite respiration faible et discrète. L’automate fit le tour du bar et découvrit une trappe entre deux frigos. Il l’ouvrit et trouva un enfant blond de cinq ans.

L’enfant l’observa tendrement, tendit ses mains pour caresser son visage et finit par sourire. L’automate sourit également et le prit dans ses bras : il allait combler son propre désir de transmission. Il ferait de cet enfant un guerrier parce que la violence, c’est ce qu’il n’avait pas appris de son père. Il allait juste passer chez Deïnos arracher un dernier cœur avant de partir.